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MARSEILLE L’HEBDO

Les fleurs fanées de la tristesse



Anne Delrez, photographe, vit entre Marseille et Metz où elle est née il y a trente-cinq ans.

C’est peut-être à cause de ses longues heures de voyage que son regard s’est arrêté, un jour, sur "les fleurs du bord de route", ces compositions dont on détourne souvent les yeux par pudeur ou par négligence.

Anne Delrez, au contraire, refuse d’occulter ces "mausolées intimes" qu’elle côtoie à longueur de temps et qui sont, pour elle, "d’étranges composites : instinctifs, proches d’un art brut, d’un art populaire. Une sorte de lieu de liberté où s’exprime la souffrance du manque".

Progressivement, ces espaces d’intimité anonyme ont mangé son temps jusqu’à occuper quatre ou cinq ans de sa jeune vie. Au cours de ces errances, sur toutes les routes de France, elle a fait plus d’une centaine de clichés, sans jamais choisir délibérément ces "bouts de mémoire, de déclarations d’amour" qui ponctuent l’asphalte. Ils sont venus à elle, simplement.

Le résultat ? Ni morbide, ni voyeuriste même si on sent, en contrepointe, une souffrance ténue face à l’absence. Mais Anne Delrez n’en dira mot... Son travail s’inscrit dans une logique de montrer les choses le plus simplement, sans misérabilisme. "Une personne décide rendre hommage à un proche disparu, explique-t-elle, et ce geste est interdit par la DDE". Alors, que faire quand les vivants ne peuvent plus faire marche arrière, enlever les fleurs, les croix, les portraits ou tout autre objet du souvenir ?

Pour Anne Delrez, la réponse est simple : photographier avec respect ces "fleurs du bord de route" sans jamais stigmatiser la mort. Il y a peu, elle a décidé de tourner la page pour se consacrer à de nouveaux projets : à la maison d’arrêt de Metz, elle dirige un atelier d’écriture sur la question de la mémoire, du vécu et de l’intime. Avec des danseurs et un chorégraphe, elle prépare la réalisation du court-métrage dansé Et puis voici. Une expérience qui lui permet de renouer avec le cinéma - qu’elle connaît bien pour l’avoir étudié à l’université - et la danse qu’elle a abordé à l’occasion de spectacles. "J’avais envie de créer un lien entre image et danse, d’écrire une vidéo fictionnelle inspirée d’un texte de Marguerite Duras" annonce-t-elle avec gourmandise, expliquant du même coup pourquoi elle s’est retirée deux ans à la campagne, pour s’offrir un temps de concentration, de réflexion et de création intense.

A présent la voici citadine, le temps d’exposer au marché aux puces d’étranges fleurs habillées de toutes les couleurs.

Marie Godfrin-Guidicelli

 

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